Un petit mot pour décrire le choc que j'ai eu en écoutant la première fois Dogora.
Je suis un musicien amateur, j'ai longtemps joué de la clarinette dans un orchestre symphonique amateur dirigé par un ancien professionnel, E.Pannetier, clarinette solo à l'ONL et à l'orchestre de l'opéra de Lyon. J'apprécie par ailleurs beaucoup le chant choral et particulièrement les voix d'enfants, bien avant le phénomène Choristes.
J'ai ensuite entendu des interviews de P.Leconte qui expliquait qu'il avait été accroc comme un drogué à cette musique comme je le suis actuellement !
Pas un jour sans écouter Dogora, à pied, en voiture, chez moi ! quelle claque ! Comment ai-je pu passer à côté de cela quand le film est sorti ! J'en avais entendu vaguement parler, je suis pourtant très cinéphile mais il avait sûrement été noyé dans la masse des sorties au profit des films industriels et médiocres que l'on nous assène chaque mercredi.
Quelle injustice quand on voit le nombre si faible d'entrées alors que des gens beaucoup plus mercantiles comme Arthus Bertrand ou Hulot font le plein... Bref, n'ayant pas vu le film, j'avoue, honte à moi avoir téléchargé la musique ayant appris qu'il y a avait un choeur d'enfants mais elle dormait depuis lors au fond de mon disque dur.
Ma première écoute a été un enchantement comme les centaines qui ont suivis.
Je me suis procuré le CD pour en savoir plus sur le Dogorien.
J'ai été emporté par la magie de son syncrétisme vocal, de ce magistral espéranto musical. A chaque écoute j'entends quelque chose de différents. Cela va de Orff à Moussorgsky, de Vincent d'Indy à Britten, de Borodine à la force du destin de Verdi, de Kusturica à Bernstein. Et au final, c'est du Perruchon !! et cette musique m'accompagne depuis 2 mois chaque jour en voiture sur le long trajet qui me mène au lycée où j'enseigne, elle fait naitre tellement d'émotions diverses ! Ces lignes sont maladroites mais tant pis ! j'avais l'an dernier monté un projet et emmené une de mes classes à l'opéra de Lyon assister à la création d'une oeuvre d'un de vos collègues, Pascal Dusapin. Quel échec que ce Faustus pour des élèves de Lycée professionnel n'ayant jamais mis les pieds dans un tel lieu et n'ayant jamais entendu d'opéra. On m'avait malheureusement imposé cette oeuvre, j'avais choisi les Contes d'Hoffmann d'Offenbach plus accessibles... En écoutant et réécoutant Dogora, j'aurais tellement aimé qu'ils puissent entrer en musique avec votre oeuvre qui touche l'âme la plus insensible ! Et je me dis que la musique actuelle, contemporaine est bien diverse pour produire des oeuvres qui vont de l'hermétisme le plus total à l'universel le plus humain. On sent à la vision du bonus du DVD cette envie de faire communier des cultures très différentes, cette envie de partager, de crier que la musique est vraiment le langage céleste par excellence. Notre société manque d'humain à mon sens et ces quelques roses offertes aux enfants m'ont bouleversées.
Un autre point m'a marqué dans Dogora, c'est l'utilisation fréquente de la clarinette, comme dans l'introduction de
Mi Poshka, j'envie l'orchestre de jouer cela, la première répétition a du être un intense bonheur pour les musiciens, et l'entrée successives des voix, sur un thème pourtant si simple et si beau. Dans
Koshni, la clarinette et ses quelques mesures donnent le frisson et la valse nous emporte comme dans la valse de minuit du Cendrillon de Prokofiev. J'adore aussi le côté populaire de certains numéros comme dans
Viniashto, le tambourin, la clarinette très yiddish, le tuba très "cirque", comme une procession joyeuse dans un film d'Emir Kusturica. Dans
Tou Toeshtake, le thème est encore lancé par la clarinette, repris par le choeur, très slave, la musique devient épique, large avec une masse sonore, une puissance incroyable et la petite touche géniale des percussions. Que dire aussi de
Zdieskani, mariage de voix extatiques, quasi shamaniques, on entre en transe avec les chanteurs, sorte de derviches tourneurs musicaux avec des échos de polyphonies corses, une musique qui ici touche l'âme.
Kiatche me fait penser à un ballroom dancing, aux Beatles et leur chanson Good Night sur l'album blanc.
Chalnie envoute avec son hautbois et son rythme enivrant soutenu par les cuivres, on se retrouve dans les mille et une nuits orientales, on glisse d'un instrument à l'autre comme dans le boléro de Ravel. Vos chants deviennent des classiques qui restent dans la tête comme avec le
La Vidjiame et son accelerendo, cette fabuleuse montée en puissance où l'orchestre et les voix se déploient petit à petit.
Et que dire du langage inventé ! quelle magnifique et difficile idée ! est-ce une volonté pédagogique ? politique ? vouloir l'harmonie entre les cultures, les peuples qui ont conduit à cela ? je reste émerveillé de l'émotion provoquée et j'envie les musiciens notamment le clarinettiste quand il a travaillé cette partition. Cette musique est avant tout visuelle, c'est paradoxale mais elle permet à chacun des auditeurs de se créer un melting pot d'images mentales personnelles et inédites. P.Leconte a magistralement mis en image cette musique même si ce ne sont pas celles que j'avais en tête. Mais son film est pétri d'humanité, d'espoir, même s'il dévoile un quotidien parfois sordide et cruel.
Voilà, c'est un peu décousu, la musique dit souvent plus que les mots qui sont un frein à la transmission des émotions d'où sans doute la magie dogorienne...
Texte écrit le 21 janvier 2007
GLB.